Hey les amis,

Je suis arrivé à Chiraz et depuis Téhéran j’ai roulé 1200 km dans les montagnes. Mes jambes ont rougi face aux 10%, 12% et même 14% de certaines côtes. Mon moral a lui aussi eu des hauts et des bas, la façon de vivre Iranienne est très différente de la mienne et il est difficile de m’y adapter.

C’est parti, je quitte Téhéran et pendant deux jours je roule sur une autoroute le long d’un désert jusqu’à la ville de Qom.

Je grimpe ensuite dans la montagne, le paysage est aride et  tous les ruisseaux sont asséchés. Le silence n’est brisé que par le bruit des sauterelles et seuls quelques buissons déracinés traversent la route, tous le reste est immobile comme figé par le soleil. En fin de journée une dernière côte me vide de mon énergie et m’oblige à m’arrêter moi aussi pour passer la nuit dans cette magnifique vallée. Le lendemain je repars pour 8km de côte et au sommet j’arrive dans un village où il y a une source d’eau chaude, je m’attendais à voir de nombreuses mares d’eau, mais tout est canalisé en direction d’un hammam. J’en profite pour m’arrêter et prendre un bain, mes muscles étaient ravis.

Mahallat est une petite ville qui profite aussi d’une source d’eau et là, la magie opère ! Parcs verdoyants, de grands arbres dans chacune des rues et de nombreuses serres où y sont cultivés légumes, fleurs et arbustes. L’EAU, j’en rêve sous toutes ses formes ! Pour humidifier ma gorge sèche, hydrater mes muscles, me laver et le mieux serait de me baigner, mais heureusement que les rêves font avancer…

Par la suite je prends une variante par de petites routes qui deviennent vite des chemins, « Bamboo bike ca te va ? Pas le choix ! ». Mon allure diminue drastiquement, mais la beauté du paysage occupe toute mon attention, je suis tout seul ! En soirée j’arrive dans un petit village et l’odeur du pain chaud me fait m’arrêter !

Je suis a Kaydu, et en cinq minutes tout le village est autour de moi, on m’offre le pain, on m’apporte de la pastèque, des prunes et même un jeune fermier vient me parler en Anglais, quelle surprise ! Abi m’invite ensuite à venir manger chez lui, il est retraité, a été militaire lors de la guerre contre l’Iran et il me l’a prouvé avec les cicatrices de balles qu’il a sur le ventre… Ne parlant pas anglais, nos discussions sont brèves, mais sa femme, discrètement nous apporte à manger. Et oui je mange avec Abi sur la terrasse pendant que sa femme et sa fille nous préparent à manger dans la maison, elles sont sorties brièvement, mais je n’ai pas pu parler avec elles. À un moment pendant la soirée Abi se lève, fait de brèves ablutions, va chercher son tapis et commence sa prière. Il s’arrête et en anglais succinct ; il me dit qu’il parle à Allah en Arabe et qu’il utilise Telegram (Application similaire à Whatsapp en Iran), ahah il m’a bien fait rire. Oh aussi dans ce petit village j’ai découvert le bonjour à l’iranienne ; il commence par Salam (littéralement bonjour) et ensuite ils enchainent une joute verbale pendant au moins 20 secondes lors de laquelle ils racontent comment se porte la famille, la maison, le travail … J’ai surtout observé ceci entre un homme et une femme.

Retour sur les routes désertiques, mes sacoches sont pleines de fruits, de chocolats, j’ai plein d’eau et je suis en super forme, chemins me voilà ! Entre deux côtes le long d’un ruisseau je vois des chèvres, mais où sont les chiens et le berger, ah ils font la sieste sous un arbre. Le berger n’en revenait pas de me voir … On échange des sourires, du lait, du thé et des chocolats !

Depuis Téhéran j’ai fait 400 km en cinq jours, je suis à 2000 m d’altitude, l’air y est plus frais et j’arrive dans la ville de Khansar.

Elle a un air de nos villages alpins, avec ses nombreux magasins de produits locaux et ses rues escarpées. Il est 18h, j’ai besoin de faire une pause, je me dirige donc vers un parc et la grande surprise ! Je ne suis pas seul, il y a au moins 500 Iraniens qui se préparent à manger et à camper, oups j’avais oublié c’est le dernier jour du ramadan. Ni une ni deux, je plante ma tente ! Pendant la soirée de nombreux jeunes viennent me parler en se demandant quel drôle de spécimen je suis  =). J’ai passé la soirée à discuter avec mes voisins et à échanger nos différents mets ! L’ambiance dans ce parc était folle, je me serais cru dans un festival de musique avec toutes les tentes les unes sur les autres sauf que la bière est remplacée par du Thé et que le groupe de musique est l’Iman de Khansar !

Les vacances iraniennes continuent, et ce pendant les trois jours suivants ! Le long de la route, au milieu des côtes les Peugeot soufflent le capot ouvert pendant que toute la famille prend du thé. C’est beau comment ils vivent avec simplicité leurs vacances, ils mettent sur le toit les tapis, dans le coffre les glacières, le barbecue et ils n’oublient pas les grands parents sur la banquette arrière ! J’y ai vu un beau mélange des classes sociales, ce type de vacances convient à tous les budgets, le seul et unique but est de se regrouper en famille et entre amis. Bien-sur, je me suis fait invité  et entre autres un soir dans une cabane au milieu d’un verger, super soirée gaie et chaleureuse ! Et on m’a posé la question qui tue.

« Et si nous on venait en France est-ce que l’on serait aussi bien accueilli ? »

Cette question on me l’a posée dans tous les pays que j’ai traversés et je pense malheureusement que non. Voici ma vision, qui est personnelle et j’espère bien qu’elle est totalement erronée ! Tout d’abord lorsque j’ai voyagé en France à vélo avec Samuel on a été accueilli comme des rois, cela a été une belle surprise. Mais je pense que c’était du patriotisme et il n’y avait pas la barrière de la langue. Je pense que les Français d’une manière générale vont avoir peur des étrangers et ne les accueilleraient pas chez eux ou même seraient trop pressés pour venir en aide à un étranger dans la rue. J’espère que mes aventures te montrent que nous sommes tous humains, semblables et que d’aller à la rencontre procure une joie incomparable ! Alors voici quelques pistes de réflexion et pratiques qui ressortent de mes expériences :

#1 Si tu en as marre du métro-boulot-dodo, va parler à quelqu’un de perdu dans la rue, prend des gens en stop, inscris-toi sur couchsurfing, warmshowers …

#2 Un apriori (sur les étrangers), ce n’est qu’une idée vague et clairement pourrie, alors renseigne-toi de façon précise (arrête de regarder les journaux télévisés qui ne font que de dissiper de la peur), ouvre ton esprit et expérimente.

#3 Un étranger cela te fait peur ? Sache que c’est avant tout un humain comme toi et qu’il aime passer du bon temps et rire, ce n’est pas plus compliqué. Et si la rencontre va trop loin pour toi, apprends à dire non de façon polie et avec le sourire et tout ira bien.

#4 Arrête de te dire que tu n’as pas le temps et les moyens, ce n’est qu’une excuse pour te réconforter. Relis mes articles et regarde le nombre de gens qui n’avaient rien et qui m’ont pourtant tout donné.

Me voilà Isfahan pour un weekend plein d’aventures !

Reza, Majit et leurs parents m’accueillent dans leur maison et dès le premier soir ils m’invitent à une soirée de mariage, enfin c’était plutôt une fête un mois après le jour J. Les mariés ont 22 et 26 ans, pas encore découvert la vie que déjà contraint à s’occuper de leur future famille, mais c’est la règle en Iran ! Pour la soirée les hommes et les femmes sont séparés, raté pour trouver son âme sœur … La soirée commence avec de la musique électro-iranienne et des amuses bouches sucrées. Puis le repas est servi, le silence est instantané, les fourchettes frémissent pour se servir en grillades et en riz, tout ceci accompagné de sodas. Au bout de 10 minutes, les hommes commencent à sortir de table pour aller dehors, je n’ai même pas l’impression d’avoir mangé. On attend ensuite dehors pour donner un présent au marié et on rentre à la maison. Ah les coutumes sont différentes, j’ai été bouleversé dans mes habitudes.

Le lendemain c’est la course pour faire prolonger mon visa iranien, j’ai savouré la bureaucratie iranienne pendant trois heures, plus dure qu’une journée de vélo, je n’ai rien fait de l’après-midi. Le troisième jour à Isfahan je suis allé visiter la ville, malheureusement je n’avais pas de guide, et je ne suis pas vraiment fan des monuments historiques alors je te laisse admirer les photos que j’ai faites. Le soir même avec mes hôtes nous sommes allés grimper une montagne proche de la ville, on est redescendu vers 1h du matin et ensuite on a continué la soirée chez une amie jusqu’à 4h du matin, raté pour mon départ en vélo prévu le lendemain. Narges, m’a parlé pendant la soirée qu’elle fabrique des objets en poterie, ouah je veux voir cela et bien j’ai passé toute la journée dans son atelier les mains pleines de terre !

Une Iranienne pas comme les autres !

Nages à 34 ans et depuis 16 ans elle travaille, j’entends un vrai travail, pas femme de maison comme la majorité des Iraniennes. Narges a commencé par de petits boulots puis à la fin de son école d’art elle s’est lancée dans son projet de poterie. Un projet qui lui demande force et détermination, elle va à l’encontre des coutumes iraniennes, mais elle a la chance d’avoir une famille ouverte et qui la supporte. Mais n’allez pas imaginer que l’état iranien aide les entrepreneurs, la déclaration d’entreprise coûte très cher, elle travaille donc de façon illégale et sans aucune aide. Sa différence se ressent jusque dans ses œuvres, elle ne se limite pas au traditionnel bleu et jaune iranien, c’est magnifique. Je t’invite à aller voir son instagram : dast.gah.isf . Bravo Narges, tu es un bel exemple de femme libre, je dirais même de femme tout court !!

Départ d’Isfaham, mais la forme n’y est pas …

Manque de sommeil, pas d’appétit, chaleur font que je galère sur mon vélo =(. Les deux premiers jours sont difficiles, car je suis entouré d’industries et de puits de pétrole … Même un soir je m’installe dans un champ à l’abri des regards, à 21h je dormais déjà et un berger vient me parler. Il me fait de grands signes, je ne comprends rien et au final je sors de ma tente et là il me montre un trou où soi-disant des terroristes vont m’y enterrer pendant la nuit. Je finis par remballer mes affaires et il m’accueille chez lui avec ses chèvres. J’étais crevé, mais ils ont essayé de me parler jusqu’à minuit et après j’ai super mal dormi à cause de la chaleur … Les trois jours suivants, je roule dans la montagne, mais je suis entouré de camions polluants, ma gorge pique comme jamais, l’effort plus la chaleur me coupe l’appétit, je suis au bout du bambou…

Je suis fatigué de toutes les personnes qui me posent toujours les mêmes questions avec un ton insistant. Cela tourne autour d’où je viens, combien d’argent j’ai, combien coûte mon vélo, pourquoi je n’ai pas une moto, si j’ai une femme et comment je fais pour ne pas en avoir… Je suis en manque de rencontres plus approfondies et intéressantes, je souhaiterais en apprendre plus sur leur mode de vie, mais aussi parler de mon projet et de mon vélo. Il y a en réalité un gouffre entre nos façons de vivre et tout d’abord la situation de la femme iranienne me bloque dans ma sympathie envers les hommes, ils sont souvent machos et ce n’est pas facile à vivre. Et oui j’aimerais bien pouvoir en discuter avec eux, argumenter, défendre le droit des femmes et l’égalité tout simplement, mais je fais face à des millénaires de coutumes et de dogmes religieux. Deuxièment les Iraniens ne comprennent pas mon rythme de vie sur le vélo, le fait qu’après 80 km dans la journée, le soir je souhaite manger et ne pas me coucher trot tard. À l’inverse eux vivent le soir, car la journée il fait trop chaud, ils sont donc en forme olympique quand ils m’invitent, ils mangent vers 23h et se couche tard. Et le dernier point qui nous sépare est l’écologie, les Iraniens vivent et abusent du pétrole et de tous ses dérivés. L’état de leurs moyens de transport est catastrophique, ils ont tous une mobylette pour aller chercher le pain et ils n’ont aucune éducation au tri des déchets. Cela me choque tous les jours et me fait penser à l’impact de toutes nos démarches écologiques en France, qui à l’échelle du monde est malheureusement faible.

Mon état de fatigue physique s’additionne à l’agacement provoqué par toutes ces rencontres superficielles et intrusives, je n’ai pas une minute pour me reposer. Je suis de mauvaise humeur, je deviens froid et je le regrette énormément, mais ce n’est pas facile d’en sortir. Cependant je suis persuadé que l’on reçoit ce que l’on donne, alors c’est à moi de faire le premier pas positif et une magnifique rencontre va se présenter sur mon chemin.

Du repos, du riz et c’est reparti.

À deux jours à vélo de Shiraz, les côtes se transforment en de grands champs de riz et de blé, mon corps est moins éprouvé =). J’arrive à passer une nuit en camping tout seul et donc à bien me reposer. Le lendemain j’ai visité Persépolis, je te laisse admirer les photos !

Et maintenant je suis arrivé à Shiraz, la suite dans mon prochain article ! Pour la suite il me reste 6 jours de vélo afin d’arriver à Bandar Abbas, ville où je vais rester une semaine ou deux. C’est le port qui permet de rejoindre Dubaï, mais aussi je l’espère directement l’Inde. En effet j’abandonne l’idée d’aller aux Émirats Arabes unis, puis en Oman jusqu’à Mascate pour prendre un bateau pour l’Inde. Je vais essayer d’obtenir mon visa indien en Iran et de rejoindre directement Bombay en bateau. Le but de cette pause est aussi d’arriver à faire des rencontres plus approfondies, en ayant plus de temps et je l’espère en apprendre plus sur l’Iran. J’ai aussi en tête d’aller visiter d’autres lieux d’Iran en stop sur un ou deux jours. Mon aventure en Iran n’est pas finie !!